jeudi 1 août 2019

5 ans d’Echoradar – Des Gémonies à l’Olympe, le tardif succès du Rafale

Comme chaque année depuis sa création, Echoradar propose des articles originaux et inédits à travers ses dossiers thématiques (un l'hiver, l'autre l'été). Si le dossier estival 2019 ne déroge pas à la coutume, il possède en revanche une saveur particulière puisqu'il a lieu cinq ans après la création du webzine et de l'association. Il était donc impératif de fêter cet anniversaire en vous proposant de revenir sur les faits qui ont marqué chacun des membres du collectif. J'ai choisi, pour ma part, de revenir sur les tribulations du Rafale qui n'est pas passé loin de la catastrophe industrielle. Je vous souhaite une bonne lecture de cet article et des suivants ainsi que de passer un bel été, de préférence en vacances.

En une poignée d’années, l’avion de combat omnirole Rafale de l’avionneur Dassault s’est imposé auprès de plusieurs pays, soucieux de disposer d’un avion de combat performant et éprouvé. Et pourtant ! De la coupe aux lèvres, le breuvage fut amer durant plus de deux décennies, les moqueurs se le disputant aux Cassandre : trop performant, trop cher, ce bel avion ne se vendrait jamais. Retour sur l’un des travers franco-français qui de fiasco est devenu un véritable succès industriel ainsi que d’influence.

 
(Source)
Retour sur image
Imaginé dans les années 70, développé dans les années 80 et 90, les premiers appareils commencèrent à être livrés d’abord à l’Armée de l’air française en 2001 puis à l’Aéronavale en 2002, avec cinq années de retard. [1] Las, le bijou technologique que de nombreuses autres armées devaient nous envier, débutait sa carrière la coiffe de radar baissée et, surtout, sans aucun contrat d’exportation. Une première si l’on se réfère aux précédents programmes à succès de l’avionneur (Mirage 3 et Mirage 2000 en particulier). Corée du Sud, Pologne, Singapour, Arabie Saoudite, Maroc, Suisse ou Brésil, la liste des échecs du meilleur avion de combat de sa génération ressemblait à la longue litanie de défaites commerciales successives et parfois cinglantes. [2]

Le 16 février 2015, l’Égypte signe le premier contrat export mais aussi premier contrat historique. Il aura en effet fallu attendre 27 ans pour vendre un premier lot de 24 Rafale à un autre client que l’État français. [3] Suit un autre lot de 24 appareils, pour le Qatar cette fois, en décembre 2015, avec une option levée en 2017 pour 12 appareils supplémentaires. En septembre 2016, l’Inde signait pour un lot de 36 appareils. En moins de deux ans, une centaine d’appareils venaient d’être vendus et les premiers exemplaires livrés à l’Égypte. Loin de s’arrêter à ces premiers succès, l’équipe Rafale France escompte vendre encore 215 appareils supplémentaires : 167 à l’Inde, 36 au Qatar et 12 à l’Égypte, sachant que l’avion est proposé à plusieurs appels d’offre comme en Suisse et en Finlande.

La gifle du “contrat imperdable” (et ses vertus)
Si les raisons de l’échec initial de vente du Rafale sont connues, elles sont pour l’essentiel politiques. Vendre de l’armement et, a fortiori, des avions de combat est une décision politique avant tout. Elle symbolise l’équilibre que peut rechercher un client afin de diversifier ses fournisseurs, l’Inde en étant l’une des illustrations les plus éclatantes. Elle indique aussi l’état d’une relation bilatérale entre deux nations : la « lune de miel » entre l’Égypte du président Sissi et les différents gouvernements français n’est pas étrangère à la vente des premiers Rafale mais aussi d’une frégate de type FREMM [4] et des deux BPC [5] prévus initialement pour la Russie. A l’inverse, un rafraîchissement de la relation voire la manifestation d’un désaccord notable peuvent se traduire à travers les (non) contrats d’armement.


Enfin, il ne faut absolument pas négliger le rôle des avionneurs concurrents, certains très soutenus par leurs gouvernements, pour perturber voire savonner la planche des négociations. A ce stade, il est utile de se rappeler régulièrement du cuisant échec du Rafale au Maroc. Cette défaite franco-française du « contrat imperdable » [6] aura cependant permis la constitution d’une équipe France qui depuis fédère les militaires, les diplomates, l’avionneur et ses partenaires de premier rang. La dynamique positive qui existe depuis plusieurs années pourrait à nouveau voir se profiler de nouveaux succès à l’exportation. Les premiers Rafale au standard F4 arriveront dès 2023 dans les forces françaises : plus connecté, plus puissant, doté d’un nouveau radar à antenne active et de systèmes électroniques et optroniques améliorés, de nouveaux armements, etc. l’avion sera encore plus redoutable, tant du point de vue opérationnel que de la concurrence.



[1] le 30 avril 1987, le premier ministre Jacques Chirac précise au salon du Bourget en juin 1987 que le Rafale équipera l’Armée de l’air et la Marine nationale à partir de 1996 – Source Wikipédia

[2] se référer à notre article avant-gardiste qui indiquait en décembre 2014 pourquoi nous pensions à EchoRadar que l’avion allait (bien) se vendre : https://echoradar.eu/2014/12/03/dix-raisons-pour-lesquelles-le-rafale-va-se-vendre/





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire